Hiroshima 1914-2006

 

Jean-Gabriel Périot est né en 1974, il est artiste, plasticien et cinéaste. Il a réalisé14 courts métrages. 200 000 fantômes est un diaporama de dix minutes sans autre commentaire que la musique Larkspur and Lazarus  de Current 93. Périot fait défiler à l’écran quelques centaines de photos (une incroyable collection) du « dôme de Genbanku », le Palais d’exposition universelle construit en 1914 par l’architecte tchèque Jan Letzel, célèbre au début pour son style européen, ensuite pour avoir été le seul bâtiment d’Hiroshima à rester débout après l’explosion de la bombe A, et dès lors devenu symbole de l’explosion nucléaire. L’audace narrative du film passe par ce simple dispositif visuel. Les photographies de différents formats et couleurs sont posées une sur l’autre de manière à ce que le dôme se retrouve toujours au centre de l’image et qu’on puisse en suivre l’évolution au fil des années. Le geste d’avancer dans le temps en superposant les photos restitue donc une image linéaire de l’histoire. En même temps, par ces images s’exprime une fusion progressive entre époques : le squelette du palais en construction en 1914, l’époque d’après le bombardement de 1945, celle d’après la restauration en 1996. Comme chez Alain Resnais, la répétition, la réitération mène vers une conciliation impossible entre mémoire et oubli. L’événement catastrophique arrive certes en un moment précis, unique et (on espère) non répétable ; mais dans la réitération de l’(in)égal ce moment dépasse son essence particulière, pour devenir éternité : monument à la paix éternelle.

 

Emmanuel Burdeau
Cahiers du cinéma n°635, 2008